TER à 1€ : et si l’on posait les bonnes questions?

Jusqu’ici les positions pouvaient paraître assez simples : d’un côté les fachos intolérants qui ne protègent que leurs intérêts particuliers, de l’autre l’esprit citoyen altruiste démocratisant les transports et l’accès à la mer. Quand des problèmes sont apparus les premiers ont dit : «Vous voyez! Renvoyez cette racaille étouffer dans sa ZUP et laissez-nous prospérer en paix.» Et les autres : «Bof, quelques dégâts collatéraux, pas de quoi fouetter un chat, c’est le prix à payer pour un grand projet.» Un bon vieux schéma droite/gauche traditionnel, un peu exacerbé, on connaît.

Ben oui mais ce n’est pas si simple parce qu’un troisième larron est venu rafler la mise et ce dossier n’est à l’évidence pas étranger au succès du Front National. Et puis les problèmes se sont intensifiés. Le directeur d’un supermarché témoigne (Midi Libre, 30-06-12) : «A l’heure précise ou il (le train) arrive une centaine de jeunes rentre dans notre supermarché et tout leur est permis. Boire, manger à l’oeil puis sortir avec tout ce qu’il faut sans payer. Et c’est comme ça tous les week-ends à la même heure. Et c’est maintenant tous les jours que nous subissons ce genre de situation.» Si ces faits sont avérés – et d’autres, bagarres, vols, etc. –  il est évident qu’il faut les faire cesser sans délai. La sécurité est un droit fondamental dans toute société libre et démocratique. A droite – en fait les commerçants du GdR – la solution est toujours la même : à la ZUP! A gauche on est gêné aux entournures : on va rajouter du personnel de sécurité dans le train mais après, c’est plus compliqué…

Le train à 1€ n’est qu’un révélateur, une porte qui s’est ouverte sur une réalité que l’on ne veut pas voir. Le problème bien sûr n’est pas au Grau-du-Roi mais à Nîmes, dans cette ZUP, cet espace urbain déclassé au taux de chômage plusieurs fois supérieurs à la moyenne, où des jeunes désoeuvrés n’apprennent que les solidarités claniques, où s’est créé en 20 ou 30 ans une société raciale au sein même de la société française. L’Etat s’est désengagé, la politique de la ville est en échec, l’école en ruine, la justice impuissante, la police discréditée, tout est à rebâtir. C’est pour cela que l’on fait de la politique, parce qu’il y a des questions difficiles, que les enjeux humains sont essentiels, et qu’il en va de notre raison d’être ensemble.

Alors le train à 1€ est une chance parce qu’il exige de nous de réfléchir et d’inventer. Et si les politiques au lieu de s’insulter décidaient en commun, avec les services de l’Etat, les collectivités, les villes de Nîmes et le Grau-du-Roi de poser les problèmes et de trouver des solutions. Et si l’on engageait vraiment la discussion avec les jeunes ou leurs aînés ou leurs représentants associatifs quand il y en a. Et si l’on sortait des schémas de pensée hérités? Aujourd’hui j’entend deux positions : supprimons le train à 1€, vite refermons la porte et les difficultés se dissiperont; l’autre : quadrillons la ville, mettons un flic derrière chaque jeune et les débordements cesseront. Et si l’on redonnait un peu de dignité à la politique, et si l’on posait les bonnes questions?

Et par exemple : qu’avons-nous fait pour que nos enfants perdent à ce point le sens des règles de la vie commune, c’est-à-dire se sentent à ce point dégagés des obligations de les respecter? Je nous pose la question : M. Mourrut, ex-député de cette circonscription, qu’avez-vous fait? M. le préfet Bousiges? M. le maire de Nîmes Fournier? Et nous tous qui fermons les yeux, parce que dans nos petites villes aussi – à Aigues-Mortes par exemple – ces questions se posent, dans nos ZAC, nos HLM…

Je discute de ça avec mon fils qui me dit : «Ils se servent à boire? On pourrait déjà mettre une fontaine…» Ah, une fontaine. Ce n’est sûrement pas LA solution mais ce n’est pas bête quand même.

 

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