Philippe Lamour, BRL et Aqua Domitia
Passionnante émission sur l’histoire du canal Philippe Lamour et de son concepteur, diffusée sur France-Culture le 22 mai dernier (La Fabrique de l’Histoire – Un canal nommé Lamour). Où l’on touche du doigt tout le chemin parcouru par la réflexion sur l’aménagement du territoire, tout ce qui nous sépare de cette grande vision aménagiste d’après-guerre qui a donnée chez nous la Cie Bas-Rhône Languedoc et son espoir de dire « Adieu à la sécheresse » ou bien la Mission Racine et ses grandes stations balnéaires qui devaient assurer la prospérité du pays.
Une partie du constat actuel c’est que le projet était surdimensionné et qu’il était cohérent avec une vision du productivisme agricole porté par une exigence de sécurité alimentaire bien dépassée aujourd’hui.
Les continuateurs du canal, c’est-à-dire les promoteurs du tuyau vers l’Aude et les P-O. (Aqua Domitia) raisonnent presque avec les mêmes outils complètement dépassés : trouver une solution technicienne à une question de raréfaction des ressources naturelles. L’approche actuelle devant être : comment adapter nos modes de vie à un usage raisonné et durable de la ressource.
C’est tout le rapport homme-nature qui est en question. D’un côté : on manque d’eau? vous allez voir ce que vous allez voir : on pompe! Et de l’autre : l’eau vient à manquer? discutons-en, régulons les usages, partageons mieux et plus justement, mesurons les progrès.
Philippe Lamour était à la fois un planificateur, fasciné par l’URSS, le despotisme éclairé, la modernité triomphante, et un humaniste visionnaire vouant son oeuvre à améliorer le sort du plus grand nombre. Il voulait sincèrement faire du Languedoc une nouvelle Californie, le grenier à blé de la France. Il s’est largement trompé : l’eau a toujours été chère, le réseau utilisé au mieux à 30 – 50%, l’agriculture a péréclité et le tourisme, activité tertiaire beaucoup moins dépendante de l’eau, s’est développé. Un tourisme de masse lui aussi en crise mais ce n’est pas la faute à Philippe Lamour mais à cette même idéologie modernisatrice qui anime encore nombre de nos élus actuels. La majorité du Conseil régional – dont Damien Alary, président de BRL, que l’on entend dans le reportage, ou certains maires des communes littorales – dont Etienne Mourrut, sont de ceux-là.
Aqua Domitia est un projet du passé, en échec avant même de commencer, qui ne résoudra pas les difficultés actuelles et méconnaît les problèmes de demain.