Mourrut / FN : un accord seulement différé

Par de fortes pressions des instances nationales de l’UMP allant jusqu’à la menace d’exclusion, M. Mourrut, qui souhaitait se retirer au bénéfice de Gilbert Collard, a été contraint de se maintenir au 2d tour. Ce qui de fait augmente les chances d’élection de la candidate socialiste.

On pourrait penser qu’il s’agissait là d’une position personnelle incongrue pour une fin de carrière politique un peu piteuse mais ce n’est pas ça : c’était un choix local collectif de l’entourage du candidat UMP. Adhérents et sympathisants rendent les armes devant l’idéologie frontiste croyant sauver l’essentiel alors qu’ils perdent tout.

Etienne Mourrut pense-t-il sauver sa mairie en s’attirant les bonnes grâces du FN alors qu’il fait acte d’allégeance et aveu de soumission? Curieux calcul perdu d’avance? Peut-être – mais on peut penser qu’en politique expérimenté et roué M. Mourrut ne ferait pas une telle erreur.

Il y a donc une autre hypothèse : Si MM. Fillon et Copé ont été aussi intransigeants (apparemment) sur un possible arrangement Mourrut-Collard ce n’est sans doute pas pour une question de valeurs (1) mais parce qu’ils savent que l’avenir de la droite est en jeu. La rupture du cordon sanitaire ouvre la porte à une O.P.A. du FN sur la droite de l’UMP. La recomposition de la droite est déjà en cours. Etienne Mourrut et son entourage ont anticipé et choisi leur camp : lorsque l’UMP aura éclaté et qu’un pôle de droite radicale (qu’on ne dira plus extrême) se sera structuré autour du FN new look devenu «acceptable», ils seront de ce côté-là. Ils en partagent déjà les valeurs, les espoirs, ils parient sur le dynamisme et le projet : fin du projet européen, immigration zéro, tolérance zéro, préférence nationale, etc.

Et le rapprochement n’est pas nouveau : on se souvient par exemple de la présence de France Jamet (FN) aux côtés d’Etienne Mourrut lors de l’arrivée du TER avec Christian Bourquin. D’autres étapes avaient précédé. Ne doutons pas que, contraint de se présenter, M. Mourrut aura à coeur de faire aboutir son souhait de faire élire M. Collard : il votera et fera voter pour le candidat frontiste. Nombre de ses proches ont déjà exprimé leur préférence.

Le cas Mourrut est unique en France. Seul Roland Chassain dans les Bouches-du-Rhône a fait de même et s’est retiré effectivement : son exclusion est en cours. Mais pour M. Chassain il s’agit d’une affaire personnelle : aveuglé par la haine, il règle ses comptes avec Michel Vauzelle. Rien d’équivalent pour M. Mourrut qui connaît à peine la candidate PS. Il s’agit bien et pleinement d’un choix politique. Que la menace ait payé et que M. Mourrut se soit finalement maintenu ne change rien : c’est dans l’hésitation et l’intention première que le pas a été franchi, tout le monde l’a bien compris et Marine Le Pen exulte. Le tabou est tombé. De la même façon que lorsque Jacques Blanc s’était laissé élire président de Région avec les voix du FN. Etienne Mourrut franchi l’étape supplémentaire : un accord électoral réciproque. Seulement différé de deux ans. Les prochaines élections municipales sont en 2014.

 

1. «Nadine Morano a dit que les électeurs du Front National avaient les mêmes valeurs qu’elle, et moi j’ai les mêmes valeurs que Nadine Morano» (François Fillon, 13/06/2012)

 

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