Mobilisation aux Salins : un avenir sombre? (6-07-12)
L’ensemble des saliniers rassemblés à l’entrée de l’usine à l’appel des syndicats pour protester contre l’enlisement général, la dégradation accélérée de la situation sociale, l’absence de tout projet industriel, la précarisation des emplois. Le sentiment est celui d’être livré à un capitaine, Pierre Lévi, qui a juré la perte de son propre navire.
L’occasion aussi, dit la CGT, de sensibiliser les responsables politiques : le résultat n’est pas très encourageant. Katy Guyot, candidate malheureuse aux législatives est venu regretter de n’avoir pu convaincre le ministre de l’Agriculture, aujourd’hui dans le Gard, de faire le déplacement d’Aigues-Mortes (un RV est pris à Fons avec son directeur de cabinet), Robert Crauste était présent en tant que conseiller régional, JP Boré, vice-président du conseil régional et régulièrement présent sur le dossier Salins était là également. J’étais donc le seul élu du canton, tous maires, adjoints et conseillers compris. Cédric Bonato s’était fait excuser mais pas représenter.
La parole est longuement revenue aux représentants du personnel pour faire un état des lieux et rappeler les termes du conflit : aucun dossier ne sera retiré des prud’hommes sans la garantie d’un accord. Ce chantage de la direction est inacceptable. Et le sel La Baleine c’est le sel d’Aigues-Mortes qui doit être produit à Aigues-Mortes.
Puis les politiques ont repris les discours, justes bien sûr, mais hélas un peu convenus contre la financiarisation de l’économie et ses logiques de rentabilité folle et de concurrence mondialisée. La nouvelle majorité pourrait voter une loi interdisant les LBO. Applaudissements. Mais la logique capitaliste est bien ancrée dans les têtes : quand la mairie «socialiste» d’Aigues-Mortes veut séduire les millionnaires chinois et met son énergie au service du promoteur-architecte Fontès, elle est sous l’empire de l’imaginaire du profit, c’est déjà trop tard. Elle ne verra pas non plus les dégâts des «restructurations» à Listel qui déménage son usine d’embouteillage de Sète à Jarras.
Boré s’est fait applaudir en proposant : «Pas un euro des collectivités aux projets de thalasso et de musée des salins tant que l’on aura pas de garantie sur le maintien des emplois». J’aurais aimé observer la réaction de certains absents.
Les écologistes soutiennent sans réserve le combat des saliniers, ils s’approprient leurs mots d’ordre, mais ils le font avec leur propre grille de lecture fondée sur une critique radicale de la société productiviste et consumériste.
Les écologistes savent que pour bien comprendre ce qui se joue dans ce type de conflit il faut décrypter la mécanique du capitalisme à l’oeuvre qui est le fond, l’arrière-plan sur lequel se jouent toutes ces luttes à répétition, c’est-à-dire : l’imaginaire de la croissance, de la consommation sans frein, la négation des contraintes environnementales, le mépris de la culture, la marchandisation de l’éducation, la foi dans la maîtrise technique, le refus des limites, l’oubli des autres, la haine de la démocratie. C’est avec cela qu’est construit le monde des gens qui nous dominent aujourd’hui et que nous devons combattre, c’est le monde de Pierre Lévi par exemple. Mais attention, c’est aussi un peu notre monde à chacun d’entre nous, nous avons tous tété le capitalisme au biberon et grandi dans ses bras. Nous sommes tous un peu contaminés par cette idéologie globalisante qui réveille parfois notre colère mais anesthésie notre imagination.
L’âge d’or des Salins relève d’une période faste qui a partie liée avec la révolution industrielle de la fin du XIXème siècle. Un nouvel âge d’or peut naître d’une économie respectueuse des équilibres écologiques, des richesses des territoires, de besoins alimentaires, énergétiques, récréatifs d’une société à inventer.