Les salins : vendus ou mécènes?
Les salins sont à vendre
L’information qui vient de sortir n’est pas vraiment une nouvelle, les magazines Challenges et Les Echos l’avaient annoncé à l’automne dernier.
Le problème n’est pas que les salins passent de la main de groupes financiers à d’autres, c’est qu’ils soient dans la main des financiers. La responsable de la communication du groupe a raison dans un sens : cela ne change rien, c’est normal, dans le monde de la finance les réalités humaines et industrielles sont indifférentes, la spéculation est la seule motivation. On achète que pour revendre avec une plus-value maximale dans les meilleurs délais. Cela s’appelle «valoriser» même si au passage on désorganise ou ruine l’activité. On vend par lots par exemple. Les salins eux ont un atout majeur : un extraordinaire patrimoine immobilier en bord de mer. Alors on vend les terres (et les idées ne manquent pas aux potentiels acheteurs comme aux acheteurs passés) en envisageant la fin de la production de sel.
Il ne sert à rien de crier au loup aujourd’hui. Il importe de voir la cohérence d’une trajectoire qui de plans sociaux en délocalisations (l’empaquetage vers l’Italie), d’achats à l’étranger en réduction de la production locale, de défaut d’investissements en sous-traitances, de vente des terrains productifs (Lairan) en projets-leurre (musée), de Compagnie en Groupe (les noms c’est important), a fait entrer les salins dans le monde du capitalisme financier et de ses logiques incontrôlées.
Il importe plus que tout de faire rentrer la politique dans ce grand jeu, de défendre un projet qui met en son coeur, comme axe transversal, la reprise en main de ces acteurs financiers, la taxation systématique des flux, le contrôle de toutes les opérations notamment bancaires, la conditionnalité réelle des contributions publiques, l’interdiction de la spéculation outrancière, la sanction effective de tous les manquements.
Il n’y a pas de projet politique viable ni d’horizon démocratique sans la mise à l’ordre du jour immédiate de ces questions dans les instances européennes et internationales.
Le club des mécènes
Pendant ce temps le maire d’Aigues-Mortes et deux élus de la majorité vont déjeuner tranquillement avec MM. Lévi et Vranken – dont on sait aussi le grand intérêt pour les atouts touristiques de son domaine et qui vient de racheter également aux salins un accès à la mer depuis Jarras.
De quoi parlent nos élus avec les PDG de Salins et Listel? D’intérêts communs, d’argent défiscalisé, de projets touristico-culturels… Ces cinq-là forment le conseil d’administration du Club des Mécènes, un cercle étroit mêlant riches contributeurs et élus.
J’ai suggéré lors du conseil municipal du 9/02/12 qui a créé ce fonds que ce mélange des genres n’était pas sans risques, que d’assoir des chefs d’entreprise et des élus autour d’intérêts financiers devait être évité, et que si le but final (développer le mécénat culturel) présentait un intérêt évident il convenait de créer une structure associative pour le réaliser à des fins à la fois de sécurité juridique et d’indépendance politique.
Ces remarques m’ont valu des insultes de la part d’un élu de la majorité qui m’ont conduit à quitter le conseil séance tenante. On peut s’interroger sur les raisons de sa provocation…
En la circonstance je suppose que le maire est flatté de manger avec ces grandes personnes, mais je me demande ce qu’il reste d’indépendance à l’élu de la République quand ces grands patrons alignent quelques centaines de milliers d’euros sur la table.
A cet instant je me demande très précisément ce qu’il peut dire à Pierre Lévi sur la gestion actuelle des salins?