Le risque FN
L’avocat Gilbert Collard vient de se déclarer candidat à l’élection législative sur la 2ème circonscription du Gard.
M. Collard était adhérent du PS jusqu’en 1992.
En 1981 il soutient François Mitterand.
En 1988 il soutient Pierre Boussel du Mouvement pour un Parti des Travailleurs (trotskiste).
En 1992 il soutient un candidat RPR à l’élection législative dans les Bouches-du-Rhône.
En 2001 il est candidat à Vichy pour le Parti Radical Valoisien.
En 2008 il est candidat à Vichy pour le Nouveau Centre.
En 2011 il préside le comité de soutien de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle.
En 2012 il est candidat à l’élection législative dans le Gard pour le Front National.
Les virevoltes d’un homme imprévisible, brillant, avide de reconnaissance et de notoriété, provocateur et vaniteux, changent-elles quelque chose à l’affaire? Sans doute pas vraiment. La personnalité des candidats n’a que peu d’influence sur le niveau du vote FN. Le score de G. Collard sera élevé. Mais le candidat ne serait-il qu’un nom inconnu sur une affiche qu’il le serait aussi.
Le vote FN est un vote de rejet de la politique et du système de représentation qui régit nos institutions depuis 50 ans. C’est une autre forme de l’abstention, mais plus active : il fait le négatif, mais l’avenir ne l’intéresse pas, ni l’espoir. L’électeur FN n’attend rien de l’homme ou de la femme qu’il va peut-être faire élire, il cherche seulement à libérer une sorte de force un peu maléfique quel qu’en soit l’instrument.
Comment en est-on arrivé à cela : à ce que le régime politique le plus subtil et complexe, celui des démocraties modernes produit par le croisement des pensées politiques les plus élevées, de Montesquieu à Tocqueville, d’Habermas à Lefort suscite ce dégoût, cette haine?
Où avons-nous faillis? Parce que, oui, ce sont nous les démocrates qui sommes en partie coupables d’avoir laissé prospérer ces angles morts, ces espaces sombres où se sont installés les inégalités, les petits abandons, les petites corruptions, les petites trahisons. Trahison de l’esprit démocratique lui-même par abandon de ce qui le fonde :
- la participation et la délibération collective : nos assemblées ne sont plus que des chambres d’enregistrement de décisions prises ailleurs en comité restreint – il est clair par exemple que le conseil municipal d’A-M aujourd’hui ne sert à rien;
- la représentation et le contrôle que l’on exerce sur elle : l’élection est un mode de désignation qui tend à déléguer une fonction mais pas un pouvoir. Le pouvoir reste – devrait rester – entre les mains de l’électeur exerçant un contrôle permanent sur l’élu. Combien se soucient des prises de positions de son député ou conseiller général?
- les valeurs cardinales d’égalité et de solidarité : comment avons-nous pu tolérer le creusement des inégalités, le dépérissement de notre système de sécurité sociale, la faillite du système éducatif, qui sont pourtant le coeur de notre pacte social?
Cette crise est notamment européenne, c’est la crispation du vieux monde ex-colonialiste au déclin annoncé : la réaction xénophobe en est une forme superficielle, une sinistre provocation. Le grand danger pour la démocratie vient aussi, en partie, de ses faux apôtres.