Du trompe-l’oeil dans la démocratie locale
Le bulletin municipal n°11 (p.12) nous informe d’une réunion publique en janvier concernant la rénovation de la rue de la Fraternité. Il s’agirait de statuer sur la question suivante : sens unique ou double-sens? Bien, mais quelque chose cloche. Qu’est-ce que c’est?
L’expression «démocratie participative» recouvre des pratiques variées, pour certaines contestables et mal évaluées.
Ce qu’elle devrait être : une tentative de redonner réellement du pouvoir aux gens, la capacité de décider, c’est-à-dire la compréhension des enjeux et les éléments de choix. Mais cela est difficile et souvent à rebours des habitudes acquises. Il faut instaurer des pratiques nouvelles et déjouer certains pièges. Réussir ici suppose un travail permanent de l’équipe dirigeante et un service dédié, la maîtrise des techniques et une volonté politique sans faille.
Ce qu’elle est trop souvent : le faux-nez de pratiques assez discutables où l’on retrouve, à des degrés divers, les ingrédients suivants:
- démagogie : on fait s’exprimer «le peuple», c’est-à-dire l’instance ultime non contestable, mais naturellement sur des sujets bien choisis
- manipulation : on fait croire aux participants qu’ils vont décider mais les dés sont pipés et l’autorité qui convoque fait valider son propre point de vue
- opération de com : ça l’affiche bien, avec toutes les apparences de la vertu
- populisme : permet de court-circuiter les instances prévues pour cela.
Evitons les procès d’intention et supposons que la majorité municipale agit ici en toute bonne foi, et posons quelques questions :
- Pourquoi, sur une simple réunion ponctuelle, et sur l’aménagement d’une rue isolée, les participants auraient-ils un point de vue éclairé sur un choix qui relève manifestement du plan de circulation global de la ville?
- Pourquoi les riverains de cette rue (car c’est quelques-uns d’entre eux bien sûr qui seront présents à cette réunion) seraient-ils les mieux placés pour décider de l’aménagement de cet espace public?
- Pourquoi les élus du conseil municipal ne sont-ils pas associés à cette réflexion à travers la commission fantôme de l’urbanisme (qui ne s’est pas réunie depuis 5 ans) et le débat en conseil?
- Pourquoi demande-t-on l’avis des habitants sur l’aménagement d’une rue et pas sur l’ensemble des abords des remparts sud qui occupe toute la page 13 du même bulletin?
- Et pourquoi demande-t-on l’avis des habitants ici et pas sur tous les autres sujets importants de la vie locale comme par exemple la privatisation du cinéma (pages suivantes)?
Ce qui cloche c’est que l’objet de cette réunion n’est pas ce qu’elle annonce. Elle vise probablement à faire endosser par les riverains l’abattage des platanes, ou bien a-t-elle été imposée par le conseil général (il s’agit d’une route départementale). Mais si, naïvement, le maire voulait vraiment avoir l’avis des administrés alors ce serait se moquer du monde : on convoque les gens pour décider du sens de circulation d’une rue mais pas sur les grands projets de la commune?!