Madame la Ministre,

Votre visite du terminal de l’autoroute ferroviaire reliant Le Boulou à la ville luxembourgoise de Bettembourg veut avoir valeur de symbole: valoriser les solutions alternatives pour le trafic de marchandises qui aujourd’hui transitent quasi exclusivement par la route.

Mais force est de constater qu’il y a loin des symboles politiques aux actes écologiques. Le report modal se fait malheureusement à l’inverse de ce que votre visite voudrait faire croire. Le transport par fer en Mds de t-km a fortement diminué ces dernières années : il est passé en 2 ans de 33,3 à 24,9 pour le fret conventionnel et de 9,3 à 7,2 pour le transport combiné. Cette diminution de 25 % est plus qu’inquiétante !

Non que les transporteurs ne soient pas demandeurs de solutions «rail»: la seconde navette Le Boulou-Béthencourt récemment proposée a rapidement fait le plein. On comprend que cette exception dans la tendance actuelle vous ait conduite à refaire un long déplacement sur Perpignan! Mais deux navettes journalières en regard des 10 000 poids lourds/jour passant la frontière par l’autoroute A9 méritent-elles tant d’auto-satisfaction?

Une fois encore, votre communication « verdit » une politique d’aménagement du territoire inadaptée aux défis actuels. Les exemples ne manquent pas :

• Les crédits du plan de relance après la crise de 2008-2009 ont largement profité à la route tandis que les investissements ferroviaires dans la région sont repoussés d’année en année. Or le report vers le rail exige de dégager rapidement des sillons pour le fret dont manque l’infrastructure actuelle.

• Le projet de LGV Montpellier Perpignan est loin d’être financé, les dates de mise en service annoncées deviennent peu vraisemblables. Les travaux prévus depuis longtemps pour la suppression du nœud d’étranglement ferroviaire Nîmes-Montpellier ne sont pas encore commencés. Quant au partenariat Public Privé, dont il faut dénoncer le coût global et le principe de reporter les charges sur la génération suivante, il est encore en négociation avec le groupe Bouygues !

• La décision après débat public de choisir la très grande vitesse voyageurs pour la LGV mixte Montpellier Perpignan est dispendieuse, anti-écologique et anti-sociale. Elle limite le passage de trains pour le fret comme pour les voyageurs et engendre un surcoût d’1,5 milliards d’euros (+40%). Gagner quelques minutes sur un voyage Perpignan-Paris pour des voyageurs aisés semble vous paraître plus important que de favoriser la synergie ligne actuelle et ligne nouvelle pour le fret. Les raccordements annexes optimisant ce trafic sont cependant loin de coûter 1,5 milliards d’euros !

Hélas, Madame la Ministre, après votre passage, les trains de marchandises continueront pour longtemps à traverser les zones urbanisées et le centre de l’agglomération de Perpignan. Les convois transportant des déchets hautement radioactifs des centrales espagnoles aussi, bien sûr…

En espérant avoir le plaisir de vous rencontrer bientôt à l’occasion de la réouverture aux voyageurs et la rénovation de lignes comme celles desservant Céret que les usagers réclament désespérément, nous vous souhaitons, Madame la Ministre, une bonne visite en Pays Catalan.

Agnès Langevine

Secrétaire régionale d’EELV Languedoc-Roussillon